Entretien avec le professeur Wolfgang Domej, médecin de montagne, vice-président de l’ÖGAHM (Association autrichienne pour la médecine alpine et de montagne) et président de l’ARGE, communauté de travail des pays alpins.
Que se passe-t-il avec notre organisme lorsque, par exemple, il embarque à bord d’un téléphérique pour se rendre en haute montagne – à part peut-être une sensation de pression dans l’oreille et parfois une légère fatigue, on ne remarque pas grand-chose.
Sans s'en rendre compte, une personne en bonne santé se met à respirer plus vite pour compenser le manque d’oxygène, son pouls s’accélère et sa pression sanguine augmente légèrement.
Ce qui veut dire qu’un séjour à une certaine altitude entraîne un « dopage naturel », les sportifs de haut niveau savent faire usage de ces effets. Comment un air moins riche en oxygène peut-il produire cet effet ?
Cet « effet de dopage » est dû en premier lieu à un meilleur approvisionnement du corps en oxygène, une fois revenu dans les conditions normales après un séjour prolongé en altitude.
À quoi attribuez-vous l'explosion des sports alpins au cours des dernières années ?
Les sports alpins ont encore quelque chose d’aventureux ; à cela, il faut ajouter le paysage naturel et spectaculaire et le contraste avec les bureaux dans les grandes villes, qui ne laissent que peu de place à l’épanouissement physique.
À quoi faut-il faire attention lors d’un séjour à 4'000 m ?
Si l’on veut être performant à 4'000 m, et que l’on n'est pas habitué à cette altitude, il vaut mieux au préalable s’acclimater pendant quelques jours. Il n'y a aucune contre-indication à court séjour à cette altitude.
Il existe au Tibet des peuples montagnards qui naissent et passent toute leur vie à des altitudes moyennes et élevées. En quoi se distinguent-ils des Vénitiens par exemple, qui vivent au niveau de la mer – ou n’y a-t-il pas de différences physiologiques notables ?
On sait aujourd'hui qu'il existe des signes d’une adaptation génétique qui s'est développée sur des millénaires ; les Tibétains sont le peuple qui vit depuis le plus longtemps à haute altitude et qui est donc le mieux adapté génétiquement au manque d’oxygène dans les hauteurs.
Spontanément, quels sont les avantages et dangers d’un séjour de plusieurs journées à plus de 3'000 m ?
Un séjour à 3'000 m n’implique pas de défi particulier pour un organisme sain ; en revanche, les facteurs climatiques (rayonnement cosmique, froid, sécheresse de l'air, manque d'oxygène) se remarquent déjà nettement. Des séjours de courte durée à des altitudes entre 2'500 et 3'000 m sont même bons pour la santé et renforcent le système immunitaire par multiplication des globules rouges.
Pensez-vous que les effets des moyennes et hautes altitudes puissent servir à des fins spirituelles et de méditations ? Est-ce possible en Europe déjà ?
On trouve des monastères au Népal jusqu’à une altitude de 5'000 m ; à mon avis, l’état de méditation peut provenir de la simple contemplation du paysage majestueux, quand on ne considère pas les montagnes comme de purs « terrains de sport ».
Connaissez-vous des légendes autour des rapports entre l’homme et la montagne ?
On dit souvent que les altitudes extrêmes sont susceptibles d’induire des états hallucinatoires par manque d’oxygène, qui peuvent être propices à la créativité, mais représentent aussi un réel danger si on ne les aborde pas de la bonne manière.Connaissez-vous des légendes autour des rapports entre l’homme et la montagne ?
Quels sont les effets d’une altitude moyenne ou haute sur le bien-être psychique, la capacité de concentration et de rétention, et les émotions – y a-t-il des études à ce sujet?
À une altitude modérée déjà, le temps de réaction et l’attention diminuent de manière notable sous l’effet du manque d’oxygène.
Entretien mené par le docteur Monika Wogrolly-Domej. Avec l’aimable autorisation du magazine culturel LIVING CULTURE